Montaigne était-il un humoriste au travers de ses « Essais » et dans sa vie en général ?

 



Montaigne était-il un humoriste au travers de ses « Essais » et dans sa vie en général ?

 

« Il y a humour quand il s’agit seulement de plaindre, de constater sans les blâmer certains illogismes qui sont incorrigibles, qui tiennent pour ainsi dire à la nature des choses. C’est une façon d’envisager avec bonne humeur les vicissitudes de la condition humaine. L’humour suppose la compassion et la sympathie. »

Paul Lefèbvre,  « Exposé sur l’humour et l’ironie », Bordeaux

De préférence aux autres, nous choisirons cette définition, car elle souligne le caractère transcendant de l’humour, à savoir la compréhension de l’homme. De cette compréhension naissent compassion et sympathie, fidèles acolytes de l’humour. Sans compassion, l’œuvre cesse d’être humoristique pour ne pas dépasser le stade de la critique mordante.

On peut être de bonne humeur sans être humoriste mais il est difficile de faire de l’humour sans être de bonne humeur car l’humour exige cette sympathie essentielle entre l’auteur et l’objet de sa critique ou de sa plaisanterie.

Montaigne possède cette compassion au plus haut degré et nous estimons que c’est grâce à elle que tant d’humour accompagne les Essais.

Réfléchissons ! Nous n’avons aucun souvenir d’un Montaigne maussade — Landowski même en sculptant la statue de Montaigne, Square de Cluny à Paris, n’a pas omis d’esquisser un léger sourire aux lèvres de notre auteur. Il avouait lui-même « Je ne fay rien sans gayeté.»


Mais à qui d’autre pourrait-on attribuer cette tournure humoristique qui agrémente si souvent les idées et le style de Montaigne ?

L’humour semble permettre à notre auteur de tirer de la vie la meilleure part, d’assister aux scènes sanglantes qui accompagnaient les guerres de religion sans jamais rien perdre de cette foi dans l’homme : créature insignifiante sans l’aide de Dieu. Seule, une étude approfondie des Essais mettra en évidence l’usage que Montaigne fait de l’humour qui entre pour une si grande part dans l’appréciation de ce livre. Ce n’est qu’en suivant Montaigne à travers l’œuvre de sa vie que nous apprendrons comment il a réussi à mêler l’humour à la philosophie et que nous comprendrons pourquoi Robert Escarpit déclare dans son livre «L’Humour, P.U.F »  Notre ondoyant et divers Montaigne est, dans la littérature française, l’unique et prestigieux exemple d’un homme ayant le sens de l’humour à l’anglaise. »

Force est de constater que Montaigne au dire de ses spécialistes, dont André Comte-Sponville, possède quant à lui toutes les qualités requises pour être humoriste : une éducation particulièrement soignée, grâce à un père excentrique certes, mais intelligent et dont la bonne humeur a dû être communicative ; une retraite à l’écart du monde tel  ses compatriotes Montesquieu et François Mauriac, afin de mieux le juger après avoir occupé les fonctions de magistrat et plus tard de maire ; enfin, des voyages nombreux qui le mènent dans des pays aux mœurs et aux coutumes fort différentes des siennes : tout cela qu’accompagne une tendre compassion envers les hommes.



Il nous apparaît que les années formatives d’un homme sont toutes puissantes dans l’évolution de sa personnalité. Pour cette raison, il nous paraît utile d’insister sur ce rapport entre Montaigne, homme de bonne humeur et Montaigne, humoriste et de  constater qu’il est «  de bonne et riante composition »

A notre avis, au moment d’écrire « les Essais », Montaigne, homme d’âge mûr, était prédisposé à parler d’opinions sérieuses en jouant.

Le jeu des Essais consiste en sa bonne humeur naturelle et son humour qui naît de sa personnalité et qui est formé par la sympathie naturelle de Montaigne envers les hommes. Le lecteur retrouve en Montaigne un homme du monde compréhensif, qui se moque souvent de lui sans que la critique soit jamais annihilante, car notre auteur sait que l’homme ne peut se débarrasser de sa condition humaine.

 

Etienne Moulron

1 er août 2021

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